LEAN + INDUSTRIE 4.0
= LEAN 4.0 ?
Les tendances de la performance et de l’Excellence opérationnelle nous parlent de ce futur proche appelé « 4.0 ». Sans vouloir être exhaustif sur le sujet, je vous propose une réflexion sur l’avenir du Lean, au sens traditionnel de ses concepts, dans ce futur à la révolution digitale galopante, déjà en mouvement.
Définissons d’abord les protagonistes de cette réflexion :
- Dans le coin gauche, les 5 concepts traditionnels fondamentaux du Lean selon James Womack et Daniel Jones (années 90), le « Lean Way » : identification de la valeur, cartographie des flux de valeur, production à flux continu, flux tirés, recherche de la perfection. Ces concepts sont certes un peu éloignés des principes de Taiichi Ohno (père du système de production Toyota – 1912-1990) et de Edwards Deming (1900-1993), mais ils illustrent tout de même une manière d’aborder un système de management de la production orienté vers l’Excellence opérationnelle.
- Dans le coin droit, l’Industrie 4.0 (ou « smart production ») : nouveaux produits et services, nouveaux modèles d’affaires, internet des objets (IOT), Big Data, maintenance programmée, Réalité virtuelle / réalité augmentée, production entièrement automatisée, font partie du quotidien. Si cette vision date de 2011, elle prend tout son sens dans la révolution croissante du digital. Certains parlent d’une 4ème révolution industrielle (1).
Le Lean a grandement évolué dans les pratiques des entreprises ces 25 dernières années (dans l’industrie automobile notamment), passant par le management de la Qualité Totale, la transversalisation des processus ou « désîlotage », l’accélération des flux, la chasse aux gaspillages et variabilités, le tout de manière plus ou moins réussie ; l’interprétation réductrice de sa traduction littérale « maigre » l’ayant souvent relégué à la réduction des ressources, humaines notamment.
Si le modèle Toyota reste la référence en la matière, nombre d’entreprises cherchent encore leur approche du Lean Management, et sont en devenir sur le sujet.
Quel futur pour le Lean ? La vision de Womack et Jones est-elle encore d’actualité ?
Les 5 principes du Lean trouvent-ils une place dans cette Smart Factory, cette Industrie 4.0 ?
Observons les sous l’œil des évolutions en cours et à venir :
- La Valeur (valeur ajoutée) :
« La valeur est ce que le client est prêt à payer. Il est primordial de découvrir les besoins ou désirs réels ou latents du client. », et donc ce qu’il faut apporter en services ou produits. Les tendances sont bel et bien à plus d’individualisation, de personnalisation dans la consommation, vers un plus large choix de gammes de produits.
L’Industrie 4.0 elle aussi sera une industrie « sur-mesure », et demandera plus encore de modernité, et surtout de réactivité pour comprendre, « répondre à », anticiper les attentes des clients. La Valeur est donc bien au cœur de cette révolution industrielle.
- La Cartographie de l’itinéraire de la valeur :
Ce second principe introduit la notion de flux, physiques ou d’information, qui composent le processus de production, intégrant supply chain, voire SAV d’un produit ou service. Le Lean cherche à améliorer leur efficacité, en vue d’être réactif et répondre aux délais, tout autant que leur efficience. Dans l’Industrie du futur, il va falloir être capable de distribuer le produit ou service en un minimum de temps, sans pour autant générer des stocks coûteux. Cette industrie du futur disposera de nouveaux outils de modélisation numériques, capables de projeter des modèles de supply chain globales ou locales, et d’en tester l’efficacité avant leur mise en place.
L’Internet des objets et des services permettront de créer des réseaux intégrant l’ensemble du processus de fabrication, ce qui transformera les usines en un environnement intelligent et réactif, en lien direct avec le Client ou Consommateur… une révolution ! L’Obeya digitalisée raccourcira les circuits de management, de décision, de gestion des interactions. L’analyse de la valeur, de son itinéraire est, et restera, un facteur clé de la performance, et de différenciation.
- La Production à flux continu :
Dans ce troisième principe, on s’assure que la valeur s’écoule bien sur le flux et ne s’arrête – ou ne ralenti pas – au fil du cheminement sur le processus. Toute attente dans le flux, les stocks, sont autant de pertes d’efficience du processus, de freins.
L’industrie 4.0 développe de nouveaux outils dont l’objectif est de faire en sorte que la planification interagisse avec le gestionnaire de processus externe (IOT – Internet Of Things ), et permettent une production fluide, sur les applications et sur Internet, avec la flexibilité maximale. Ainsi un site de production Adidas aux États-Unis, totalement automatisé utilise l’IIOT « Industrial IOT », tendance « speedfactory », pour produire ses chaussures. Là encore, la vision Lean reste ancrée dans les tendances du futur.
- Mettre en place le Flux Tiré :
Les stocks sont considérés comme l’un des gros gaspillages de tout système de production. L’objectif d’un système à flux tirés consiste à idéalement ne produire que lorsque le client commande. Chaque étape du système de production garantissant que les matériaux et les informations requis sont disponibles Juste -A-Temps.
Dans le contexte de l’industrie 4.0, les sites de production composés d’objets intelligents, communicants et liés dans un réseau lui-même relié à l’extérieur, la flexibilité de la production augmentera. Le consommateur final, de même que les différents partenaires, prendront une place dans le processus, permettant la personnalisation des produits et la modification de leurs caractéristiques en fonction des demandes ou des difficultés rencontrées par les fournisseurs, par exemple. Là encore, la vision Lean et L’Entreprise 4.0 mettent le Client au centre du système.
- Chercher la Perfection – améliorer, s’améliorer en permanence :
C’est surement la plus importante des 5 étapes de ce voyage au cœur du Lean, puisqu’elle touche les 4 précédentes et permet continument de rendre le système plus performant. Nous sommes dans un système « vivant ».
Qu’elle soit par ruptures ou par améliorations continues (Kaizen), cette recherche doit permettre d’offrir au client le produit dont la valeur ajoutée est alignée avec ses besoins. L’Industrie 4.0 ne dérogera pas à ce principe, et l’évolution des technologies. Robotisation, « cobotisation » (robots collaboratifs), Big data, le cloud et les systèmes industriels sont utilisés dans l’industrie 4.0 afin d’augmenter la productivité, réduire les coûts et la consommation d’énergie, améliorer la flexibilité et la personnalisation. L’Humain est, et restera, la clé de voûte de ce chapitre, moteur et aidé par les révolutions technologiques. Le PDSA de Deming (Plan Do Study Act) trouvera écho dans des organisations apprenantes, cherchant toujours à trouver des moyens de s’améliorer un peu plus chaque jour. Encore une fois, aucun antagonisme, bien au contraire.
En appliquant les 5 principes, une organisation peut rester compétitive,
augmenter la valeur fournie aux clients, réduire les coûts de leurs activités et augmenter leur rentabilité. Traduits différemment dans un environnement digital en croissance, les enjeux de l’Industrie 4.0 restent dans la même orientation globale que le Lean Way de Womack et Jones, le TPS de Ohno. Le Lean traditionnel et ses outils resteront même dans certains cas des solutions plus viables et profitables, tant les problématiques techniques et technologiques restent importantes dans le développement de l’entreprise du futur, sans oublier les montées en compétences nécessaires. Et sans oublier l’impérieuse nécessité de rester connecté au Gemba – le terrain !
L’important étant de donner du sens à nos actions, poursuivons ce voyage vers la performance, l’Excellence opérationnelle, continuons à apprendre, développer nos compétences, agir. Les outils d’hier restent opérationnels, évolueront grâce au digital et aux nouveaux modes d’agir.
« Et l’Humain dans tout ça… »
Oui, je l’ai peu évoqué, presque oublié. Non. Il y a, aura tant à dire sur l’importance de la place de l’Humain dans ces transformations, dans ce voyage, pour qui je dédierai un prochain article.
Laurent Hernandez, Consultant Senior chez Progress Partners
(1) Cf « Troisième Révolution Industrielle » Jeremy Rifkin – 2011